Nismes : ancien village de sabotiers !
« Pendant des siècles, les sabots de bois ont chaussé les pieds de nos aïeux, paysans, marins et ouvriers. Prisées pour leur robustesse et leur durabilité, ces chaussures emblématiques ont même inspiré poétes, conteurs, chanteurs et peintres ! D’ailleurs, saviez-vous que Nismes, au début du 20ième siècle, fut un des centres de saboterie les plus importants du sud de la Belgique ? »
Guérand Gautier, conservateur à l’Écomusée du Viroin, épingle ce qui a fait la renommée de Nismes, au-delà de la région et jusqu’à la Première Guerre mondiale : la saboterie ! Un métier au savoir-faire ancestral qui, bien que presque disparu, ne laisse pas de bois ;-)
La saboterie dans l’Entre-Sambre-et-Meuse : de la tradition au déclin
Concernant l’origine de la tradition sabotière à Nismes, le mystère demeure. Une des explications possibles serait qu’elle soit arrivée dans la région grâce à la migration de sabotiers bretons ayant fui la Révolution française. Les sabotiers, à l’origine, ce sont des « hommes des bois ». Ils vivaient en forêt et y fabriquaient des sabots. Ils utilisaient principalement du bouleau, bois tendre, facile à travailler et peu cher. Ensuite, ils ramenaient leur production au village afin de la vendre.
À la fin du 19ième siècle, les sabotiers sont chassés des forêts par les autorités. Ils s’installent alors au cœur des villages au sein de petits ateliers, appelés « les boutiques » (l’arrière-cuisine d’une baraque, la remise ou encore une annexe le long de l’Eau Noire). « Il subsiste d’ailleurs encore quelques traces de ces ateliers le long de l’Eau Noire convertis désormais pour la plupart en garages. En pratique, les sabotiers se fournissaient en bois chez les forestiers du village. »
Les gens travaillaient principalement en famille : le père, la mère, les enfants, le grand-père, etc. Tout le monde avait sa tâche bien définie dans le processus de fabrication. L’artisan travaillait à son rythme, à la main, et plus précisément à la pièce. Certains ateliers, d’abord familiaux, s’enrichirent et purent bientôt engager du personnel : ils devinrent des ateliers patronaux. Bénéficiant d’horaires flexibles, les travailleurs évoluaient dans un climat beaucoup plus détendu que le travail à la chaîne.
« À l’époque, quasiment tous les patrons sabotiers étaient cafetiers. Libres d’organiser leur temps de travail, tous les lundis après-midi, les ouvriers se rendaient gaiement au café pour jouer aux quilles. Et le soir, après le souper, ils y retournaient pour boire un verre ensemble. On appelait cela : faire le lundi ;-) C’était aussi l’occasion pour le patron-cafetier, dans une logique un peu paternaliste, de contrôler les loisirs et les habitudes de ses employés. »
Quelles sont les étapes manuelles pour fabriquer un sabot ?
- Le façonnage : débiter le morceau de bois brut pour lui donner la forme du sabot
- Le creusage : évider l’intérieur du sabot pour y mettre son pied
- Le séchage : laisser sécher 3 à 4 semaines près du feu
Entre 1918 et la Seconde Guerre mondiale, l’arrivée des machines à fabriquer des sabots permet le travail en série. Les saboteries connaissent alors un essor industriel. D’énormes quantités de sabots sont fabriquées et vendues partout en Belgique, mais aussi en Allemagne, en Angleterre et au Luxembourg grâce au chemin de fer. « En 1920, on produit 12.000.000 de sabots en Belgique. En 1930, 6.000.000 de paires de sabots sont fabriquées dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, à savoir près de la ½ de la production belge ! »
À la fin des années 1930, les sabots se vendront de moins en moins à cause de l’arrivée des chaussures en caoutchouc. Ce déclin conduira rapidement à une crise de surproduction amplifiée par l’arrivée en Belgique de sabots fabriqués à bas prix dans les pays de l’Est. Le succès du sabot fut fulgurant avec une croissance rapide mais il ne dura, en réalité, qu’une petite vingtaine d’années !
Démonstration de fabrication de sabots à l’écomusée du Viroin
Afin de perpétrer ce savoir-faire ancestral, l’Écomusée du Viroin, un musée qui explore et questionne les savoir-faire anciens de l’Entre-Sambre-et-Meuse, propose de découvrir les secrets de fabrication de ces souliers emblématiques de nos campagnes. Cette démonstration est effectuée par un guide avec 2 anciennes machines, la planeuse et la creuseuse, datant de 1924.
« Tout d’abord, on commence avec la planeuse. Il s’agit d’un tour à copier, à savoir une machine qui permet de transformer un morceau de bois brut en sabot en copiant un modèle prédéfini. Ensuite, on utilise la creuseuse pour vider l'intérieur du sabot. Pour terminer, on lime le sabot avec la ponceuse, on le sèche et on le décore à son goût, toujours à la main. À savoir qu’il y a des étapes qu’on n’a jamais réussi à mécaniser. Par exemple, lors du creusage, il reste toujours des échardes de bois que l’ouvrier ne sait enlever méticuleusement qu’à la main. »
En parallèle, l’histoire des saboteries régionales et les diverses techniques de production et de finition sont abordées à l’aide d’une riche collection d’outils, de machines, de sabots et de documents iconographiques. Cette remise en contexte permet vraiment de plonger dans la vie quotidienne des habitants de la région au début du 20ième siècle.
Où ?
Ecomusée du Viroin – Rue Eugène Defraire 63 à Viroinval
Infos & réservations : 060/39.96.24 ou animation@ecomuseeduviroin.be
Quand ?
Tous les derniers dimanches du mois
Combien (inclus dans le prix d’entrée au musée) ?
- Adulte : 5 €
- Sénior : 4 €
- Enfant : 3 € (gratuit pour les -6 ans)
Durée de la visite ?
30 minutes
Réservez votre démonstration de fabrication de sabots
Copyrights : @écomuséeduviroin